Quand le militantisme trouble l'identité de genre. L'expérience des « groupes d'hommes » dans les années 1970 (entretien)

Parmi tous les travaux consacrés à l'étude des engagements féministes aux différentes époques, des zones d'ombres subsistent. Parmi celles-ci, le rôle des hommes dans les luttes féministes reste inexploré. Ainsi, dès la fin du 19ème siècle, au moment de la naissance des premières associations féministes, des hommes militent auprès des femmes. Le Mouvement de Libération des Femmes (MLF) qui émerge au début des années 1970 marque ainsi une rupture, en revendiquant la non mixité du mouvement afin de libérer la parole des femmes. Pourtant, des hommes ont été interpellés par la critique féministe du patriarcat et ont tenté de la reprendre. Ces hommes ont alors formé des groupes d'hommes organisés autour de la parole d'hommes: il s'agissait, sur la base de la critique féministe, de rejeter le patriarcat et les modèles masculins imposés, en refusant d'endosser ce rôle de dominant et en réfléchissant au moyen d'y échapper. La tentative de ces hommes représente une première historique, dans la mesure où c'est la première fois dans l'histoire du féminisme français que des hommes se réunissent en groupes non mixtes autour de questionnements féministes; et où auparavant jamais des hommes ne s'étaient posés collectivement la question de l'identité masculine et des rapports de genre. C'est ce moment et cet aspect de l'histoire des féminismes qui sont explorés ici, à travers d'un entretien réalisé avec un homme ayant participé à l'un de ces groupes d'hommes. Du fait de la relative homogénéité des caractéristiques socio-démographiques des membres de ces groupes, l'analyse d'un cas particulier met en lumière les mécanismes à l'oeuvre tant aux niveaux individuel que collectif. L'étude de cette trajectoire particulière fera alors apparaître la centralité de la question de l'identité de genre dans l'expérience de ces hommes.