Violence et discours au XVIIIe siècle « Si je ne t'aimais pas je te tuerais tout à fait... »

L'étude d'une série de plaintes rendues en justice pour voies de fait permet de saisir la fréquence de la violence et sa double signification. Elle peut être quotidienne et banale, petit dérapage dans les relations sociales ordinaires ; elle est aussi la première réponse à une agression extérieure. Mais ces récits reconstitués obéissent à un certain nombre de lois du genre. Ils renseignent moins sur la violence et sur les raisons du comportement violent (qu'ils s'efforcent au contraire de rendre incompréhensibles) que sur la manière de raconter la violence, dans des discours qui doivent être efficaces à l'occasion d'une action judiciaire. Les comportements susceptibles de gagner les faveurs des magistrats sont parfaitement connus et les plaintes présentent les canons du comportement-modèle, diffusé au-delà des audiences du Siège. Par ailleurs, les méandres de la procédure semblent bien compris, même dans les milieux populaires, et les plaideurs ordinaires ne sont pas du tout dépassés. Les réponses fournies au juge lors des interrogatoires montrent l'application de stratégies parfaitement cohérentes et utilisent habilement le discours. On suggérera même que, tels qu'il est rapporté dans les archives de justice, le langage populaire lui-même, qui utilise souvent des expressions et même des réparties toutes faites, façon de ne pas dire ou de ne pas répondre, est parfaitement adapté, est modelé même par l'action judiciaire.