Les abus sexuels à Kër Xaleyi: aspects sociodémographiques et contexte d'interventions

La prise en charge pédopsychiatrique des enfants et adolescents abusés sexuellement est assez récente au Sénégal. Le pédopsychiatre est régulièrement confronté aux contradictions et aux impasses suscitées par les réactions de l'autorité judiciaire d'une part et celles des familles des victimes d'autre part. La place qu'occupe la justice dans la prise en charge des jeunes devient une question de plus en plus préoccupante pour les divers protagonistes et semble déterminer les diverses attitudes et comportements des professionnels. Dans cet article, les auteurs ont essayé d'une part de déterminer un profil sociodémographique des enfants victimes d'abus sexuels et les facteurs associés. D'autre part, ils ont tenté de répertorier les diverses positions des médecins, pédiatres, hommes de loi lorsque ceux-ci (celles-ci) sont confrontés à une situation de suspicion ou d'allégation d'abus sexuel impliquant un(e) mineur(e) d'âge zéro à 18 ans. Les données de l'étude sont issues des dossiers des enfants reçus à l'unité de pédopsychiatrie Kër Xaleyi à Dakar, entre février 2000 et décembre 2008, ainsi que des entretiens réalisés auprès de pédiatres, gynécologues et hommes de loi (policiers, gendarmes, procureurs, juges...). Cinquante-neuf cas d'enfants victimes d'abus sexuel sont répertoriés sur 4327, soit 1,36 %. La majeure partie des victimes sont des filles (84,70 %), sont âgées de six à ten ans (45,50 %), sont abusées par des hommes (adolescents ou adultes jeunes [86,40 %] voisins ou amis de la famille [62,70 %]). Seulement 44, 10% des cas ont été signalés aux autorités judiciaires. Parmi les enfants abusés, 55, 90 % sont référés en pédopsychiatrie à Kër Xaleyi par des médecins et 15,30 % des cas ont désiré un certificat médical. Le viol (59,30 %) est le mode d'abus sexuel le plus utilisés par les agresseurs et les troubles du comportement sont les manifestations les plus observés chez les victimes (58,20 %). Le suivi est généralement très bref (environ un ou deux entretiens): 69,50 % des cas ; Certains facteurs étiologiques sont fréquemment rencontrés: confiage d'enfants à bas âge, parents décédés, absents ou malades psychiatriques, familles conflictuelles, promiscuité et précarité socioéconomique. Des lésions organiques sévères et des décès d'enfants abusés n'ont pas été répertoriés. La majorité des intervenants se sentent désemparés et pensent ne pas pouvoir agir de la meilleure façon, sauf amélioration du contexte professionnel.