Les symboles zoliens dans le récit de Nana
2018
Hochschulschrift
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Nana est un roman naturaliste d’Émile Zola, composé à Médan, publié d’abord sous forme de feuilleton entre 1879-1880 dans Le Voltaire du 16 octobre 1879 au 5 février 1880, puis en volume chez Georges Charpentier, le 14 février 1880. Le récit, présenté comme la suite de L'Assommoir, est le neuvième de la série Les Rougon-Macquart, laquelle cherche à retracer l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. L’héroïne Nana dont les charmes physiques ont ébloui les plus hauts dignitaires du Second Empire a débuté sa carrière d’actrice au Théâtre des Variétés en 1867, peu avant la deuxième exposition universelle à Paris. L’apparition d’une telle actrice hautement sexualisée sur scène favorise la peinture de deux catégories sociales symboliques, celle des courtisanes et celle des noceurs. A partir de là, Zola, chef de file du mouvement naturaliste, prétend montrer la société telle qu’elle est, avec l’oeil d’un anatomiste. Lorsque nous nous fixons ainsi notre sujet de travail : « Les symboles zoliens dans le récit de Nana », il nous paraît indisponsable de traiter ce sujet avec les méthodes de travail pertinentes, susceptibles de repérer les symboles inhérents au récit. Comme tout au long du récit qui se compose de quatorze chapitres, les faits à caractère naturaliste foisonnent au niveau des personnages et des activités menées par ceux-ci, nous sommes encouragée à rechercher, autant que possible, des signes qui dévoilent de façon précise la nature des hommes en général et celle d’une société en voie de décomposition inévitable. Avant de procéder à la recherche des symboles zoliens, il nous est arrivé de nous poser des questions problématiques qui sont les suivantes : - Serait-il possible que la vie d’une prostituée telle que Nana puisse à elle-même corrompre la société contemporaine à elle ? - Comment pourrait-on justifier le déclin d’un empire par deux catégories sociales symboliques, celle des courtisanes et celle des noceurs ? - Comment comprendre la décadence d’un empire à travers les signes systématiquement proposés par Zola ? Afin de bien mener notre travail, nous nous sommes proposée deux approches d’analyse textuelle : celle du narratologue Gérard Genette, jointe à celle du sémiologue Roland Barthes. Comme Nana est un récit fictionnel à la troisième personne, il est normal qu’il existe un narrateur omniscient, dont l’idéologie reflète directement, comme nous pouvons le deviner, celle d’Emile Zola lui-même, quand le narrateur omnicient procède sans ambages à l’analyse des problèmes de la société contemporaine à Nana. Selon le narratologue Gérard Genette, il propose six fonctions de narrateur inhérentes à toute sorte de récit, fictionnel ou non : 1. La fonction narrative 2. La fonction de régie 3. La fonction de communication 4. La fonction testimoniale 5. La fonction idéologique 6. La fonction pédagogique. Dans le récit de Nana proprement dit, nous avons remarqué la présence d’un deuxième narrateur omniprésent, dû à la structure particulière de « récit en abyme » mené par Fauchery, le journaliste de La Figaro. Cette structure fonctionne judicieusement, de telle sorte que nous pouvons lire le récit de Nana à deux niveaux qui s’embriquent à merveille. Dans le récit global où il y a le narrateur omnicient, l’idéologie de celui-ci reflète à juste titre les pensées profondes d’Emile Zola, tandis que dans « le récit en abyme » dont la narration est inférée à Fauchery, son rôle de narrateur omniprésent apporte également des idées qui explicitent celles du premier narrateur, et vice versa. Nous avons l’occasion de démontrer ce phénomène intéressant au début du chapitre I. Puis, dans le but de mettre en valeur les signes symboliques zoliens, nous nous sommes appuyée sur les codes sémiologiques démontrés par Roland Barthes par le biais de son analyse sémiologique exécutée dans S/Z, ouvrage théorique construit sur le récit de Sarrasine de Balzac. Roland Barthes y mentionne cinq codes respectivement opératoires qui permettent aux lecteurs de saisir les aspects sémiologiques dans un récit, qu’il soit romanesque ou non fictionnel. Voici les cinq codes mentionnés par Roland Barthes : 1. Le code herméneutique 2. Le code proaïrétique 3. Le code sémantique 4. Le code symbolique 5. Le code culturel. Pour le cas de Nana, il nous a semblé intéressant de projeter notre recherche à l’aide des trois codes suivants : le code sémantique lié à l’analyse des personnages zoliens, le code symbolique lié aux milieux et circonstances différenciables par le principe d’antithèse, puis le code proaïrétique lié aux activités diversement menées par deux groupes de personnages bi-polarisés. Notre recherche tendrait à dépister les signes symboliquement fonctionnels pour nous aider à mieux comprendre le sens implicite soutenu par Zola lui-même. Pour que cette recherche nous soit fructueuse, nous avons mis respectivement l’étude de ces trois codes dans trois chapitres, à savoir : - Chapitre I : L’analyse des personnages liée au code sémantique - Chapitre II : L’analyse des milieux et des circonstances liée au code symbolique - Chapitre III : L’analyse des activités sociales liée au code proaïrétique Comme notre but de travail vise la reconnaissance des symboles zoliens dans le récit de Nana, nous avons essayé de synthétiser à chaque chapitre par une mise en évidence des signes qui véhiculent des valeurs esthético-morales, lesquelles nous semblent importantes à souligner pour le roman naturaliste de Zola. Dans le cadre du chapitre I, les personnages de Nana qui sont nombreux ont été regroupés en deux catégories : celle qui s’assemble autour de Nana, et celle qui se trouve autour du comte de Muffat. Puisque Nana et le comte de Muffat détiennent un rôle majeur et chacun à sa façon, nous avons fait d’abord une analyse plus développée sur ces deux protagonistes majeurs. Il en résulte que Nana est un personnage porteur de signes sémantiquement riches et variés : - Nana dévoratrice des amants - Nana dotée de l’amour maternel - Nana naturellement bonne - Nana désireuse de l’or Quant au comte de Muffat, il véhicule également des signes sémantiquement variés, car il est bien né dans une famille noble, un homme certes très cultivé, bien positionné dans la société par le poste qu’il occupe dans le palais royal, mais sa personnalité est très complexe, voire contradictoire : - Le comte de Muffat pieux et hypocrite - Le comte de Muffat souffrant et tourmenté par ses désirs d’où le destin malheureux lorsqu’il entretient une prostituée séduisante et dévoratrice comme Nana. Quand nous passons en revue d’autres personnages qui entourent Nana et le comte de Muffat, la palette des caractéristiques sémantiques devient foisonnante, tant de personnes sont porteurs de signes négatifs, chacun à leur façon, à telle point que nous n’en avons pas fini de lire. Dans le cas des protagonistes mineurs, nous en avons relevé onze représentants qui sont : le jeune aventurier La Faloise, le fou et passionné comte Xavier de Vandeuvres, le jeune collégien Georges Hugon, le beau militaire Philippe Hugon, le banquier juif Steiner, le burlesque Fontan, le doucereux Daguenet, l’horrible Satin, prostituée lesbienne, Rose Mignot, l’actrice concurrente de Nana, Zoé la servante, Bordenave le grossier directeur du théâtre. Autour du comte de Muffat, les personnages mineurs sont encore plus négatifs sémantiquement parlant, plus on y travaille, plus on découvre que dans la société dite noble constituée autour du comte de Muffat, ses membres de famille et les amis intimes qui s’attroupent autour de cette ancienne famille de noblesse, sont en effet des personnalités immorales et hypocrites qui tombent jusqu’au bas-fond de la miséreuse nature humaine. Quatre représentants ont été mis à l’étude par nous, ils sont : la comtesse Sabine de Muffat, le marquis de Chouard, le jeune Estelle de Muffat, M. Théophile Venot. Il n’est pas étonnant que ces personnages majeurs et mineurs dont nous venons de citer soient mis en image d’animalité, depuis Nana jusqu’à Venot, chacun ayant une image animalière propre à eux, l’usage des animaux pour révéler la nature des êtres humains relève en effet de la puissance évocatrice zolienne. Dans le chapitre II, où nous cherchons à étudier le code symbolique, nous avons trouvé des milieux et des circonstances différenciables, et pourtant reconduisibles autour d’un axe dit de « mitoyenneté », selon la terminologie de Roland Barthes. Un schéma illustrateur précède les trois exemples que nous avons mis à l’étude du code symbolique, à savoir : 1). le théâtre des variétés en deux périodicités, 2). le respect et l’honneur recherchés par deux prostituées, 3). Deux amoureux pertubés par l’amour-fou. La ligne de partage que nous avons tracée en pointillée pour montrer sa fragilité quant à la recherche du code symbolique, nous a finalement beaucoup aidé à conclure de façon positive : c’est que par le principe d’antithèse proposé par le sémiologue Roland Barthes, nous avons essayé d’accrocher à la ligne de mitoyenneté des éléments oppositionnels, et à partir de ces éléments à caractères supplémentaires, nous avons pu établir des images au sens encore plus fort symboliquement parlant, concernant nos deux protagonistes majeurs : Nana et le Comte de Muffat. Grâce à la mise en rapport continuelle des éléments supplémentaires qui s’accrochent à l’axe de mitoyenneté symbolique, nous avons finalement été bien récompensée par le résultat de l’étude comparative : trois principes d’ordre esthético-moral ont été révélés, lesquels témoignent la violation de l’esthétique théâtrale à repousser, la revalorisation de la dignité féminine à retenir malgré la bassesse du métier de prostituée, et finalement l’importance du respect des deux sexes à souligner si les intéressés en matière d’amour sont sincères pour leur poursuite du bonheur familial. Le chapitre III de notre travail vise la mise en fonction du code proaïrétique à l’aide des activités sociales. Celles-ci, selon notre analyse, sont catégorisées en deux séries et elles ont été menées par deux groupes d’hommes et de femmes dont le leader sont le comte de Muffat d’une part, Nana devenue la reine de Paris d’autre part. Du point de vue du code proaïrétique, nous avons trouvé intéressant de constater que tout au long du récit de Nana, les activités familiales et sociales dirigées sous l’auspice du comte de Muffet se dégradent toujours, allant à vau-l’eau pour arriver finalement à la décomposition de la cellule familiale qui pourtant est d’une origine noble et respectable. Il s’agit premièrement du salon du comte et de la comtesse de Muffat qui a lieu tous les mardi dans leur hôtel, et deuxièmement, des fiançailles d’ Estelle, jeune fille du couple des Muffat. Nous y lisons des rapports de force inouis autour du thème antithétique de pureté/adultère, générosité/avarice, honnêteté/bouffonnerie, notamment au sujet de l’amour et de l’argent. Quand nous fixons notre attention sur les activités menées par Nana qui est entourée des gens à deux catégories : celles des courtisans et courtisanes, puis celles des noceurs insatiables et irresponsables, nous avons repéré facilement que tout au long du récit de Nana, il y a une courbe socialement ascendante quant à la place occupée par Nana elle-même. Elle débute par être l’actrice du théâtre, pour arriver à se faire choyer par des amants de plus en plus riches, et enfin, elle devient le symbole de triomphe du sexe féminin : - Nana-brillante maîtresse honorable, suite à ses succès sur scène - Nana-duchesse qui s’offre le pseudo-salon des jeudi - Nana- reine de Paris au Grand-Prix du concours hippique Malgré la montée vers l’apothéose du rôle féminin socialement parlant, nous constatons qu’à chaque période du soit-disant « succès » chez Nana, celle-ci est entourée des gens de passions folles, dont la folie s’explique par le mépris de l’honneur, le goût aux jeux, le geste du suicide, la tendance à la mélancolie incurable et au pessimisme fatal. A la fin du récit de Nana, cette assemblée composée des individus stupidement agités par un nationalisme anit-prussien, sera toute mobilisable pour s’élancer à la guerre franco-prussienne, geste gravement dévastateur, comme l’histoire pourra nous le confirmer. Sur le plan fictionnel, Nana qui se meurt et qui est morte à la fin du récit est un point d’orgue qui s’appuie fortement sur la condamnation irrévocable du Second Empire. Comme conclusion de notre travail, il nous faudrait enfin répondre à nos questions problématiques sur le rôle de Nana : Cette actrice-cocotte, piteuse interprète de la Blonde Vénus, par ses enjeux de volupté, de désir sexuel, et d’ambition perverse et dévoratrice d’hommes riches de la haute société, serait-elle à elle seule responsable de la corruption générale du Second Empire ? Ceux qui payent chèrement leur vie pour avoir poursuivi Nana « au cul » n’auront-ils point de vice à reconnaître ? La maladie dont meurt Nana n’est évidemment pas choisie au hasard : elle évoque la petite vérole qui défigure n’importe quel malade. La vérole contagieuse a atteint Nana dans sa chair et son apparence, elle a abouti à la hideuse décomposition physique de Nana, en même temps qu’elle prend une valeur symbolique, nous sommes en droit de nous demander : la vérole n’existe-t-elle pas déjà dans la société fragilisée tour à tour par des vilains jeux poussés jusqu’à l’abus de la sexualité, de l’argent, de l’amour ? Si la totalité de l’Empire s’enthousiasme dans la fête de la chair et de l’or, la pourriture ne naît-elle pas du milieu des participants-amuseurs ? Le thème de la décadence culturelle mérite à notre avis une réflexion à part : le sujet des deux pièces – « La Blonde Vénus », « La petite duchesse », dont le scénario est composé par un journaliste sans vergogne, Fauchery, celui-ci s’est moqué ouvertement des principes moraux d’entre les deux sexes et parmi les membres de la famille. Quand un soi-disant intellectuel sombre dans la liberté diffamatoire et lascive avec la mythologie grecque, source de la culture européenne, cela ne montre-t-il pas par là que la décadance culturelle est présente, et qu’elle va contaminer l’esprit des spectateurs, en leur appliquant des morsures maladives à sa manière ? Zola est un opposant au Second Empire et c’est un républicain. Il s’oriente très volontiers vers des idées socialisantes. Pour cette noble cause, il lie le naturalisme et l’idéal social, en rêvant de plus en plus à une société de justice et de fraternité. C’est pourquoi il est particulièrement sensible à la gangrène d’un régime, à la prostitution et à la pourriture d’une société, comme symbole d’une époque maladive. Ceci dit, nous aurons tendance à rétorquer des idées évoquées dans les périodiques chinois où Nana a été la seule personne mise en cible comme corruptrice du Second Empire. Il ne nous semble pas juste d’accuser une seule femme, quoi qu’elle soit voluptueuse et dévoratrice, de basse naissance en plus, se moquant du côté fragile et vicieux des hommes-amants ou des femmes-lesbiennes. Il est vrai que par les quelques thèmes à caractère réaliste et naturaliste, Zola a mis froidement « du fer rouge sur la gangrène ». Pour cela, Zola en tant qu’ écrivain naturaliste, envisage d’abord les différentes classes sociales et étudie leurs milieux. Dans le récit de Nana, le réalisme ne se limite plus aux couches bourgeoises. Son naturalisme s’est élargi avec l’investigation des moeurs de la société, qui touche les classes depuis le plus haut niveau du palais royal jusqu’au niveau le plus vulgaire, celui des « basses classes ». La transition, la mobilité, le mélange des groupes sociaux d’origine différente démontre assez efficacement qu’il y a une vérole destructrice à l’intérieur de chaque cellule : qu’il s’agisse de famille, de lieu de travail, de lieu d’attraction...etc. Pour ne montrer que deux exemples : le marquise de Chouard et Mme Robert. Chez ce fameux marquis de Chouard, si nous faisons une poursuite systématique sur les actes décrits par Zola tout au long du récit de Nana, nous n’avons qu’une image ignominieuse de cet individu dont la recherche du plaisir sexuel a atteint un degré absolument effarant. Il pratique également des coutumes de basse volupté, en usant de son vieux âge à flairer toutes sortes sensations physiques provoquées dans la saleté, la mauvaise odeur, les rapports sexuels les plus avancés et qui scandalisent le bon sens de tous les bonnes gens. D’autant plus qu’il est le représentant le plus significatif de l’Etat, étant le conseiller d’Etat, il est aussi la personne la plus illustre à nommer dans la famille du comte de Muffat, parce qu’il est le patriarche de cette famille ancienne et noble. Ausssi, sous la plume de Zola, Mme Robert, dont le portrait représente une femme très brune, au visage allongé, avec ses lèvres pincées dans un sourire discret, qu’on aurait dit d’elle comme tout à fait une dame du monde, elle a ramassé chez elle tous les bons aspects physiques, culturels et moraux. Cependant, nous sommes étonnée de découvrir que c’est en réalité une femme qui se plaît dans le milieu où règne l’idôlatrie de l’amour vicieux entre des femmes lesbiennes de la basse société. On pourrait relever infiniment des histoires des classes sociales chez Zola, avec la mise en évidence d’une fatalité à l’oeuvre, qui conduit inéluctablement des composants des classes à la déchéance, à la ruine et à la mort. L’argent, le corps, la sexualité, la fausse religiosité, le plaisir, le mariage et l’adultère, tout est efficace pour entrer dans le jeu et les enjeux de la corruption possible ou généralisante. Nous pensons avoir mené un bon début d’enquête sur ces problèmes individuels et sociaux, par les trois chapitres que nous avons écrits. Et nous croyons que cela n’est qu’un modeste exercice qui pourrait ramener d’autres occasions de recherches sur le naturalisme zolien, qui s’établit d’abord sur une base solide des symboles au niveau des personnages, des milieux, des circonstances, et des activités de toutes sortes, pour aboutir à la bonne diagnostique d’une société surtout quand elle est gravement malade. Ceci dit, le rapport de force entre le vice et la vertu deviendrait un enjeu particulièrement intéressant quand un écrivain naturaliste comme Emile Zola a su le transcrire dans son oeuvre de Nana.
Titel: |
Les symboles zoliens dans le récit de Nana
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Autor/in / Beteiligte Person: | HSIEH,YU-JU ; 謝喻如 |
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Veröffentlichung: | 2018 |
Medientyp: | Hochschulschrift |
Sonstiges: |
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