Cultiver le ciel. L’ancien rapport palestinien aux conditions météorologiques dans une ferme familiale

En 1995, alors que je menais des recherches ethnographiques sur le terrain auprès de réfugiés palestiniens sur la rive orientale de la vallée du Jourdain, j'ai enregistré Abu Ziad Amin Kanaan Turkmani -un réfugié de la région de Haïfa, aujourd'hui en Israël, en 1948- en train de donner son témoignage sur un calendrier météorologique agricole qu'il utilisait encore pour s'orienter à travers les nuages et la pluie des mois d'hiver, le conservant dans sa mémoire sociale. Ce calendrier était connu sous le nom de murba'nia, un ensemble de phases constituant la saison des pluies, très attendue mais irrégulière, qui correspondait à des pratiques de travail spécifiques. En permettant aux agriculteurs de reconnaître les différents types de vent et de pluie, le schéma d'intensification du froid et du gel, et l'activité d'autres sentinelles non humaines comme les serpents, certains insectes ou le développement de plantes sauvages, la murba'nia contribuait à déterminer le calendrier des tâches stratégiques à accomplir en vue de la verdure souhaitée pour le printemps. À l'époque, j'ai classé cette mémoire ancienne dans la nostalgie du passé des réfugiés, niant ce qui est récemment devenu plus évident : la connaissance de l'environnement a toujours été une composante du savoir-faire local, qui à son tour est étroitement lié à la connaissance en tant qu'implication culturelle dans l'imprévisibilité du temps qu’il fait. La Murba'nia était devenue « hors de propos » car les programmes de modernisation régionaux avaient entraîné la redéfinition de l'agriculture comme une irrigation intensive illimitée ; les problèmes d'eau étaient dissimulés dans des stations de contrôle de l'eau éloignées, conçues pour capter chaque goutte disponible pour l'agriculture commerciale et le développement urbain. Abu Ziad, cependant, comme beaucoup de ses pairs, se souvenait de la murba'nia non seulement par nostalgie de la terre et de l'air qu'il avait perdus, mais aussi pour décrire et expliquer le tra